La garde à vue... En voilà une invention qu'elle est bien. Elle permet de vous faire incarcérer dans une cellule du commissariat ou de la gendarmerie pendant 24 heures maximum, renouvelable une fois. Donc en fait 48 heures au total. Ça touche qui ? Tous ceux qui se font interpeller par les autorités. Du moins peut-être... Effectivement, c'est pas parce que vous vous faites interpeller que vous allez être placer en GAV (garde à vue). C'est pas automatique. Alors c'est quoi qui fait qu'on peut finir ou non en GAV ?
La vraie question c'est "c'est qui ?". Parce qu'en fait, le placement en GAV n'est pas le fait de conditions réunies, mais bien le fait d'une décision, pouvant être clairement arbitraire, de la part des autorités interpellatrice. Par exemple, vous risquez bien d'être placé en GAV si vous manquez d'élégance dans vos propos envers un policier (outrage à agent). Vous avez des chances de finir en GAV également si vous avez (ou pas) des informations que les autorités aimeraient bien détenir aussi. Ce dernier cas c'est ce que Moreas appelle dans
son article "
la culture de l'aveu".
Mais c'est bien une "culture" à double tranchant que celle-ci. Car si vous avez été interpellé, c'est que les autorités vous considèrent comme suspect. En aucun cas, en vertu de la présomption d'innocence, vous ne pouvez être considéré comme coupable. Donc quand on vous garde à vue dans le but de vous faire cracher un aveu, c'est bien une pression mentale que vous subissez : isolement, enfermement, privation de liberté, dans des cellules crados,... C'est bien une sorte de torture. C'est bien quelque chose d'anormal surtout si vous êtes innocent. Et à ce niveau de l'enquête rien ne peut prouver le contraire.
Là où on pourra admettre une GAV et même davantage c'est lorsque l'on soupçonne quelqu'un comme étant capable de commettre des actes graves voir dangereux ou bien disposer à prendre la poudre d'escampette (personne violente, personne en étant d'ébriété, Roms ...). Alors là, oui, la GAV semble nécessaire et davantage que la GAV si d'autres éléments viennent accusées davantage la personne dans ce qu'elle est suspectée.
Pour tout le reste, la présomption d'innocence doit-être la seule règle à appliquer. Et c'est ce que devrait proposer Michèle Alliot-Marie (Ministre de la Justice) dans le cadre d'un projet de loi sur les GAV.
1) Garde à vue en cas de possibilité de peine d'emprisonnement :
Il ne sera possible de mettre en GAV quelqu'un seulement s'il a commis un délit l'exposant à une peine de prison.
"[...]
ne pourront être placées en garde à vue que les personnes soupçonnées d’un crime ou d’un délit puni d’une peine d’emprisonnement."
2) Plus de prolongation de Garde à vue pour une possibilité de peine ne dépassant pas les un an :
Les 24 heures supplémentaire que pouvez vous remettre dans les dents les policier ne pourront plus être imposé, hormis si vous avez quelque chose de suffisamment grave pour vous exposer à une peine de plus d'un an de prison.
"
La prolongation de garde à vue ne sera plus possible pour les délits punis de moins d’un an d’emprisonnement."
3) Plus de fouilles intégrales et notification du droit au silence :
La fouille intégrale c'est une fouille qui "
nécessite que le détenu se déshabille entièrement." Le policier vérifiera alors "cheveux, oreilles, bouche (en faisant tousser le détenu, en lui demandant de lever la langue et d’enlever, si nécessaire, sa prothèse dentaire), aisselles, mains, entrejambe (le détenu doit écarter les jambes et il peut lui être demandé de se pencher et de tousser), pieds, voûte plantaire, orteils." (Source : Prison.eu).
Le droit au silence c'est un droit, qu'à force de voir à la télévision, on a plus besoin de le présenter. Il permet de ne rien déclarer aux policiers ou gendarmes durant le temps où ils vous interrogent. Si à la télé, il est généralement dit en même temps que le policier vous passe les menottes, la tête plaquée contre le capot de la voiture, en France, pour l'instant, les policiers et gendarmes ne sont pas tenus de vous notifier ce droit. Ce qui ne sera plus le cas, si Michèle Alliot-Marie va au bout de ses intentions.
"
Ensuite, l’avant-projet interdit les fouilles à corps intégrales et il prévoit la notification du droit au silence."
4) Droit à l'avocat durant toute la durée de la garde à vue :
Actuellement, lors d'une GAV, le détenu n'a le droit de voir son avocat uniquement 30 minutes maximum par tranche de 24 heures de GAV. De plus, l'avocat n'a pas accès au dossier. Du coup cette visite se limite surtout, pour le gardé à vue, à un simple rappel de ses droits et peut permettre à l'avocat de constater des blessures infligées par un interrogatoire violent par exemple. Ce qui, heureusement, en pratique, arrive rarement.
Autant dire, alors, que le rôle des avocats dans les cas de GAV aurait nettement plus de poids qu'aujourd'hui. Ce qui est bon pour l'avocat et le détenu étant préjudiciable à la police.
"
Enfin, il affirme le droit à la présence d’un avocat durant toute la garde à vue, pour toutes les gardes à vue de droit commun."
Ce droit à l'avocat durant les auditions et toute la GAV en général est soumise à quelques exceptions, notamment "
pour rassembler ou conserver les preuves ou assurer la protection des personnes." Ce qui devrait être, selon Michèle Alliot-Marie, rare :
"
Cela concernera en pratique un nombre limité de cas."
"
C’est donc la très grande majorité des personnes placées en garde à vue qui pourront demander à bénéficier de la présence d’un avocat pendant toute la durée de leur garde à vue."
Toute cette révolution de la garde à vue semble étonnant alors que notre président joue toujours davantage la carte de la sécurité et de l'Etat policier. Ou alors c'est que tout ce que nous venons de dire n'a pas été correctement fouillé. Effectivement. Au début je pensais que tout ça était largement bénéfique à ceux qui finissait en GAV, avant de lire un article du monde que je n'arrive malheureusement plus à retrouver... Désolé.
En substance, cet article disait qu'empêcher la prolongation de la GAV en cas de risque de peine d'emprisonnement de moins d'un an (point 2) n'était que poudre aux yeux, l'écrasante majorité des délits étant puni au maximum de plus d'un an de prison.
Ensuite que la possibilité de passer des auditions libres (c'est-à-dire que vous vous engagez à venir au poste sur invitation du policier ou du gendarme, sinon c'est la GAV) pourrait devenir quasi-systématique. Au final, c'est pas plus mal. Oui, mais non. Car l'avocat, du coup, n'a plus ce fameux droit d'assister à l'audition (point 4). De plus à l'issu de cette audition libre et à moins qu'une clause spéciale l'en empêche, le policier ou le gendarme pourra très bien vous placer en GAV. Dans la manœuvre, vous aurez perdu le droit à une audition, voir plusieurs, avec l'assistance de votre avocat.
Concernant la notification de garder le silence (point 3), c'est, on l'a vu, quelque chose de quasiment toujours su (grâce aux séries policières).
Quant au point 1, garantissant que personne ne pourra être mis en GAV s'il ne risque pas la prison, c'est une sécurité pour éviter les abus de pouvoir. Ce qui reste, bien entendu, peu fréquent.
Finalement, il ne reste bien que l'interdiction de la fouille intégrale qui reste une avancée pour le gardé à vue, qui se sent souvent humilié de devoir se déshabillé devant le policier, surtout, il faut bien se le dire, qu'il est pour l'instant encore innocent. Alors, globalement, certes, ça fait mince, mais même si le reste représente toujours un petit quelque chose, c'est toujours ça : un pas de fourmi vers un traitement plus humain.